mercredi 28 juillet 2010

« Notes sur les Tribus de la subdivision de Médéa »

(Le carrefour de Berrouaghia - 2008)

LES HASSAN BEN ALI


Les Hassan ben Ali n’ont pas une origine homogène, ils n’ont pas de grand-père (Djed) comme disent les arabes.


Cette tribu s’est formée par des immigrations successives de fractions de tribus arabes ou berbères. Il est nécessaire, avant de commencer, de nommer les fractions actuelles et de donner une idée de la composition de cette tribu.


Les Hassan ben Ali forment aujourd’hui six fractions qui sont :


*Les Ouled Mellal ;
*Les Ouled Fergane ;

*Les Ouled Trif ;

*Les Ouled Brahim :

*Les Ouled Maïza

*Gueraba.


Ils sont limités : au Nord, par les Beni bou Yagoub, les Ouzera et le territoire civil ; au Sud, par les Abid, les Ouled Sidi Nadji et les Beni Slimane à l’Est ; et à l’Ouest par les Houara.


Le point culminant de ce territoire est Ben Chicao, qui se relie à la montagne de Fernane, et qui commande tout le pays. Par la suite d’un système de collines et de vallées, les limites viennent atteindre, par des plateaux successifs, la profondeur relativement grande des plaines des Beni Slimane et de Meracheda et la vallée d’Oued Lahreche.


Les points les plus culminants sont le Djebel Sidi Messaoud, Baten Ezzeboudj et Djebel Sebbah.


Les cours d’eau sont :


*Oued El Guelat (rivière des bassins) ;

*Oued El Besbes (rivière des fenouils) ;

*Oued Guergour ;

*Oued Zeraib (rivière des haies).


Tous ces cours d’eau, d’abord très encaissés, vont s’élargissant et finissent par former des vallées.


Les Ouled Ameur du Titteri furent les premiers qui vinrent s’établir sur le territoire des Hassan ben Ali. Leur chef Benzekour, s’étant fâché avec son frère, réunit ses tentes et se mit en route.


Comme il passait devant la tente de son frère, celui-ci lui dit, pour le retenir :


« O Benzekour ! Maudis Satan !


Benzekour répondit, je suis dégoûté de vivre avec toi.


Le frère aîné irrité, leur fit ses adieux en leur criant : Allez-vous en donc, ô fils du dégoûté !


Les Ouled Ameur conservèrent depuis le nom d’Ouled Melal, qui désigne encore leur fraction aujourd’hui.


A cette époque, une tribu presque à l’état sauvage, habitait le territoire des Hassan ben Ali. C’était une population étrange : elle vivait de glands, de begouga ? et de lait de chèvre. Les femmes n’avaient que la tête, les reins et la ceinture cachés ; les seins étaient nus. On les appelait les Ouled Maïza. C’étaient d’ailleurs de bons musulmans qui ne sortaient jamais de leurs forêts. La culture leur était inconnue. Les Ouled Melal s’abouchèrent avec eux et obtinrent l’autorisation d’occuper tout le pays qui n’était pas boisé. Voilà comment les Ouled Melal s’installèrent sur les pentes si fertiles, mais dénudées, qui descendent du Fernane dans la direction du Nord. Les Ouled Melal, une fois établis, appelèrent à eux les Ouled Mendil, leurs frères qui à une époque antérieure, avaient émigré dans la Mitidja et dont une fraction vint s’établir chez eux. Comme on le voit, les Ouled Melal sont composés des Ouled Ameur du Titteri et des Ouled Mendil de la Mitidja.


OULED FERGANE

Les Ouled Fergane se composent :


*Les Ouled Kerakri qui sont originaires des Ouled Maaref et qui émigrèrent il y a environ trois siècles.

*Les Ouled Mechti qui viennent de Bedranas.

*Des Helassat qui furent obligés de quitter les Mouzaïa, à la suite de la guerre avec les Soumata qui les chassèrent de Bouroumi vers l’an 1023 (1614 de J.-C.) ;

*Des Ouled Djefifa, qui appartienaient aux Ouled Abou el Lil, des Hamza (Aumale). Cette famille avait accompagné Soula lors de son incursion dans le Sud ;

*Des Ouled Ali, originaires des Beni Ali de Mouzaïa ;

*Des Ouled ben Megatel, marabouts des Moudjeber de Mostaganem ;

*Des Ouled Sidi Abdallah ben el Khettab et des Ouled M’hamed originaires des Hachem Reris de l’Ouest (plaine de Mascara).


GUERABA

La fraction des Gueraba se compose :


*Des Ouled bou Ihïa, fraction de la grande tribu des Bouaïche de Boghar dont elle se sépara pendant une année de disette ;

*Des Ouled Saiba, fraction des Rahmane qui émigra à la même époque que la précédente ;

*Des Ben Chicao. Cette riche famille arriva chez les Hassan ben Ali vers l’année 1638 : elle fuyait la colère d’un bey de Constantine qui à cette époque, fit couper des têtes chez les Douaouda dont ils étaient originaires ;

*Des Ouled Sidi Ali ben M’hamed, originaires des Flitta Gueraba ;

*Des Ouled Bassour, venus des Medjaher avec les Megatelia (ou Ouled Ben Megatel).


OULED BRAHIM

Les Ouled Brahim se composent :

*Des Ouled ben Haissam, originaires des Ouled Meriem d’Aumale ;

*Des Mehazera, fraction des Zenakhera de Boghar.


OULED TRIF

La fraction des Ouled Trif se compose :

*Des Ouled Sassi, sous-fraction de Beni Khelifa des Beni Slimane ;

*Des Ouled Douif et des Ouled Yala qui quittèrent les Ouled Antar (de Boghar) à la suite de la grande guerre entre ces tribus et les Ouled Mokhtar (1768).


On voit par la composition des Hassan ben Ali qu’il n’existe pas chez eux de ces liens de famille et d’origine commune qui font la force des autres tribus : c’est ce qui explique les guerres intestines constantes et l’antagonisme des chefs des plus puissantes familles.


Les Ouled Fergane et les Gueraba sont les deux fractions qui ont exercé alternativement le pouvoir.


Les renseignements que nous avons ne remontent pas au-delà de l’année 1766.


On connait la constitution des tribus du Titteri : elles étaient groupées par Outhan : le changement de titulaire était un des revenus les plus lucratifs des Beys de Médéa. Celui-ci s’était réservé l’administration immédiate des tribus les plus rapprochées de la ville.


Les Hassan ben Ali appartenaient à cette catégorie, aussi l’influence des Caïds de cette tribu était-elle grande. Chose remarquable, les Hassan ben Ali n’ont jamais eu de Caïd turc : ils ont toujours été administrés soit par les Kerakri des Ouled Fergane, soit par les Megatelia et les Ben Chicao.


Les Ouled Kerakri ont toujours réuni le plus de suffrages : ce sont eux qui ont donné à la tribu le nom de l’un de leurs ancêtres, Hassan ben Ali.


Avant la conquête, les Hassan ben Ali n’ont joué aucun rôle important : Azara (muletiers) du bache Khemadji, ils devaient à ce titre l’exemption de certaines corvées.


Après la conquête, ils se mettent à la tête des tribus qui viennent attaquer Médéa et le pouvoir éphémère que nous y avions installé.


L’anarchie la plus grande régnait partout : les habitants de Médéa (1832) réparaient l’enceinte de la ville et s’étaient organisés en milice. Les tribus environnantes n’avaient plus leur entrée dans la ville, à l’exception des Hassan ben Ali, encore n’étaient-ils reçus que par petites fractions.


Les Hadar (civilisés) se déchiraient entre eux et ne se réunissaient qu’à l’heure de la poudre pour défendre la ville et les jardins. Abusés par les promesses de certains européens, de juifs et de maures d’Alger, ils attendaient impatiemment les secours de la France. Une correspondance très-suivie avec leurs agents d’Alger leur faisait espérer le prompt rétablissement d’un pouvoir organisé ; les missives envoyées par les gens de Médéa étaient toujours accompagnées de force d’ours, et les réponses qu’ils recevaient étaient luxuriantes de promesses imaginaires et irréalisables que des gens sans caractère officiel leur fessaient pour les exploiter.


La ville et les tribus étaient dans cet état d’anarchie, lorsque surgit un aventurier qui saisit un instant le pouvoir. Il se nommait El Hadj el Moati. Cet individu venait de l’Ouest et se disait Chérif, envoyé par l’Empereur du Maroc. Il fut patronné dès son arrivée par les Hassan ben Ali, qui le présentèrent comme un défenseur ardent de la foi. Les Hadar l’accueillirent bien et se soumirent à son autorité. Ses exactions le firent exécrer bientôt et son immoralité vis-à-vis des femmes ne tarda pas à exaspérer les habitants de la ville, qui lui firent avouer ses impostures en pleine mosquée.


Il confessa qu’il appartenait à la tribu des Oudaïa, espèce de makhzen de l’Empereur du Maroc ; qu’il avait été exilé injustement et qu’il avait cru agir en bon musulman en venant défendre la foi. Les Hadar le chassèrent de la mosquée, et, pour l’humilier, le firent conduire par les enfants qui le huèrent jusqu’aux portes de la ville.


C’est ainsi que disparut ce Chérif qui régna quatre mois et qui prit un instant le titre de Moulaï.


On le voit, il n’y a rien eu de solennel dans le départ de cet aventurier qui a été effectué en dehors de l’influence française.


Comment se fait-il que les documents officiels lui aient accordé une valeur qu’il n’avait pas, en avançant que la retraite du Chérif était due à l’intervention de nos agents diplomatiques auprès de l’Empereur du Maroc ? Je ne nie pas que des démarches n’aient été faites, mais ce que je puis affirmer, c’est que Hadj el Moali a été chassé de Médéa par une action toute locale, et que pendant son séjour il n’a jamais eu de correspondance avec l’Empereur du Maroc.


Le pouvoir nominatif qu’il avait exercé pendant la courte période dont nous venons de parler, avait calmé un peu les esprits. A son départ, les passions se réveillèrent et les tribus retombèrent dans l’anarchie la plus complète.


Les Hassan ben Ali se retirèrent chez eux pour défendre leurs gourbis et parer aux éventualités.


L’opinion publique arabe était égarée et ne savait à qui se rallier. Les tribus du Tell surtout sentaient le besoin d’être protégées les unes contre les autres par un pouvoir en dehors d’elles. Deux partis se présentaient : d’un côté la France qui tenait le littoral, de l’autre le Bey de Constantine qui avait fait reconnaître son autorité dans le Sud.


Les avis étaient partagés : les uns voulaient se soumettre au Bey de Constantine ; les autres, voyant les exactions qu’exerçait son représentant dans le Sud, voulaient se soumettre à la France. Cette indécision qui existait chez toutes les tribus, avait divisé les Hassan ben Ali. Les Ouled Kerakri, dirigés par le père du Caïd actuel, refusèrent énergiquement de se soumettre au Bey de Constantine.


Ignorant les événements qui se passaient dans les tribus, nous ne sûmes pas profiter de leur indécision et des partis qui se seraient ralliés immédiatement à nous, et qui eussent entrainé à leur suite toute la population arabe. Quelques agents intelligents et probes eussent suffi, à notre avis, à cette époque, pour nous rallier les Arabes, et la conquête de ce pays aurait coûté, à nous moins de sang et d’argent et aux Arabes moins de misère.


Les Hassan ben Ali étaient encore indécis, lorsqu’ils virent venir à eux les Abid et les Douaïr suivis des tribus du Sud qui se dirigeaient sur Alger pour demander notre protection et se soustraire au Bey de Constantine.


Dans cet intervalle, le Bey de Constantine avait installé à Médéa un de ses khalifas nommé Mohamed el Kadji.


A leur retour d’Alger, les Hassan ben Ali, confiants dans les promesses qui leur furent faites, obéirent à Benaouda que la France avait chargé du maintien de la tranquillité dans le pays, jusqu’à ce qu’elle put elle-même venir établir un pouvoir régulier. Sur ces entrefaites, un Derkaoui, nommé Moussa, venu du Sud, avait rallié autour de lui toutes les tribus du Titteri ; les Hassan ben Ali s’y joignirent lorsqu’il vint camper à Berrouaghia.


Après la défaite de Moussa par Abdelkader, à Amoura, toutes les tribus se dispersèrent et les Hassan ben Ali rentrèrent chez eux pour n’en sortir qu’un mois après et venir faire leur soumission au Khalifa de l’Emir qui ne fit qu’un court séjour à Médéa, Abdelkader l’ayant rappelé dans l’Ouest.


A son départ, le pays retomba encore une fois dans l’anarchie. Les Hassan ben Ali ; les Douaïr et les Abid réclamèrent à grands cris les promesses faites par la France, qui se décida enfin à venir installer, en 1836, Mohamed ben Hossein dont le fils est actuellement Caïd des Rebaïa.


Le nouveau Bey avait contre lui toutes les tribus, à l’exception de celles que nous venons de nommer ; la fidélité des Hadar était douteuse. Aussi Mohamed ben Hossein, pour sauver sa vie, fut-il obligé de se réfugier chez les Hassan ben Ali, qui le protégèrent jusqu’à l’arrivée d’une colonne française qui vint le réinstaller.


A la rentrée du Bey, les habitants de Médéa quittèrent la ville aux instigations d’El Berkani ; il ne restait dans les murs que les Coulouglis, lorsque le Khalifa de l’Emir vint attaquer Médéa ; le vieux turc se disposait à défendre énergiquement la place, lorsque deux traitres ouvrirent nuitamment une porte et firent entrer les contingents d’El Berkani. Le Bey fut garotté et envoyé à l’Emir Abdelkader qui le fit décapiter à Ouchda. El Berkani prit le pouvoir, et toutes les tribus vinrent faire leur soumission, à l’exception des Hassan ben Ali qui conservèrent leur indépendance jusqu’au moment où les tribus du Sud, auxquelles ils étaient alliés, firent leur soumission à l’Emir Abdelkader.


Jusqu’à notre arrivée à Médéa, les Hassan ben Ali suivirent la fortune des autres tribus sans faits remarquables, si ce n’est la mort du Cheïkh ben Aouïoua, chef du parti français, qui eut la tête tranchée par ordre de l’Emir Abdelkader.


Lors de l’occupation française, nous appelâmes au pouvoir Ben Hamed, frère du Cheïkh ben Aouïoua qui avait payé de sa tête son dévouement à notre cause. En 1852, Ben Hamed fut remplacé par son neveu Hadj Abdelkader ben Aouïoua qui est encore aujourd’hui Caïd des Hassan ben Ali.


Cette tribu vit aujourd’hui tranquille et heureuse à l’abri de notre protection. C’est une des plus riches tribus du cercle.


Sa fortune consiste en :


5112 hectares de terres labourées ;

3817 bœufs ;

8621 moutons ;

4780 chèvres ;

193 chevaux ;

196 mulets.


La population des Hassan ben Ali peut être évaluée à 3000 âmes.


Médéa, le 14 juin 1857


Floran PHARAON,

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